ORAN juin 1962

Posté par lesamisdegg le 30 juin 2016

Les 29 et 30 juin 1962 , l’Espagne du général Franco vient au secours des Pieds-Noirs en affrétant deux ferrys < le Victoria et le Virgen de Africa > .Pour accoster le long des quais d’Oran il aura fallu longuement parlementer avec les autorités françaises réticentes .

Le 30 à 10 h du matin , malgré l’opposition du de Gaulle , le général Franco donne l’ordre à ses capitaines d’embarquer les Pieds-Noirs , faisant fi de la pression imposée par la France .
Franco prévint de Gaulle qu’il était prêt à l’affrontement militaire pour sauver ces Pieds-Noirs abandonnés sur les quais d’Oran et livrés à la barbarie des terroristes djihadistes fells. De Gaulle est également informé que l’aviation et la marine de guerre espagnoles sont en route jusqu’aux eaux internationales , face à Oran .
Face à la détermination du général Franco , la France cède et le samedi 30 à 13 h ces 2 bateaux espagnols ont pu embarquer 2200 Pieds-Noirs , 85 voitures et un camion .Lors de l’embarquement , les courageux capitaines espagnols durent s’opposer à la montée d’une compagnie de CRS sur leurs bateaux , des CRS qui voulaient lister tous les Pieds-Noirs embarqués à destination de l’Espagne.
Finalement à 15 h 30 , les quais d’Oran , noirs de monde se vidèrent . Les bateaux espagnols prirent enfin la mer malgré une importante surcharge .
De l’arrivée jusqu’au départ des ferrys espagnols , les Pieds-Noirs scandaient :

< Viva España ! Viva Franco !!>.

oran gare maritime 06 1962

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Ascension à Santa-Cruz

Posté par lesamisdegg le 3 mai 2016

pélerinage à Santa-Cruz

pélerinage à Santa-Cruz

Alors qu’en 1849 le choléra ravageait la population d’Oran, le maréchal Pélissier aurait dit,  montrant les pentes du Murdjadjo, aux notables assemblés et effondrés :

« F…..- moi une Vierge, là-haut et vous verrez que l’épidémie cessera ! »

Les plaques commémoratives accrochées aux pilastres de l’autel de Santa-Cruz ne font pas mention de l’expression énergique du vieux soldat. Elles nous apprennent cependant que, durant l’épidémie de choléra de 1849 une modeste chapelle fut érigée par les soins de Mgr, Callot, premier évêque d’Oran, sur cet éperon de l’Aïdour. Un simple campanile exhaussait cette humble construction qui fut consacrée au culte de Notre-Dame du Salut par Mgr Pavy, évêque d’Alger.

En 1875, une tour surmontée d’une statue de Vierge remplaça le campanile. En 1899, Mgr. Cantel consacra, pour la deuxième fois, l’édifice que la ferveur populaire visitait déjà chaque année. Sous le même prélat, en 1905, Santa-Cruz fut entièrement détruite par un incendie, mais immédiatement reconstruite dans l’état même où nous la voyons aujourd’hui, en mai 1936.

La chapelle est facile à décrire. Bâtie sur une plateforme exiguë, au pied du fort de Santa-Cruz et à quelques trois cents mètres, à pic au-dessus du port, c’est une simple nef agrémentée vers la ville d’une petite terrasse et d’un clocher qui supporte la statue de la Madone. Aucune recherche architecturale n’a présidé à sa construction. Ce n’est pas une œuvre d’art, mais une œuvre de piété. Dans sa modestie, qui s’allie si bien à la condition du peuple qui la fréquente, elle semble plus pure, dépouillée: qu’elle est de tout ornement. Elle protège la ville .La population catholique d’Oran- espagnole pour une très grosse part- la vénère, tout autant que les Algérois Notre Dame d’Afrique, et les Marseillais Notre-Dame de la Garde.

Les murs, à l’intérieur de la chapelle sont recouverts d’exvotos de toute sorte. Car Santa-Cruz fait retrouver les objets perdus et l’affection d’un époux, conclure les mariages, sauver les enfants ou en donner aux femmes stériles, guérir les infirmités. Tout ce que l’on peut demander à une divinité supérieure, Notre-Dame du Salut l’accorde à ceux qu’elle touche de sa grâce. Et pour commémorer tous ces bienfaits, poupons dé biscuit rosé, voiles dé mariée, couronnes de fleurs d’orangers, cannes ou béquilles devenues inutiles, plaques de marbre gravées s’entassent dans la chapelle.

Le jour de l’Ascension, des files ininterrompues de pèlerins serpentent aux flancs de la montagne. De tous les points du département, français, espagnols, gitanos accourent autant par piété que pour suivre une tradition agréable. Certain de ces fidèles y viennent pour accomplir un vœu, les plus ardents font l’ascension pieds nus, ou encore, comme ces deux. associés dont les affaires s’étaient relevées grâce à l’appui de la Vierge, avec des haricots dans les souliers. Mais tandis que l’un d’eux s’arrêtait à chaque pas, jurant qu’il n’arriverait jamais au but, l’autre courrait et gambadait.

«  Ce n’est pas possible, lui dit le premier, tu n’as pas mis des haricots dans tes souliers?

Mais oui, répondit l’autre, seulement je les ai fait cuire. «

De nombreux excursionnistes s’installent dès le samedi soir, et couchent sur la terre dure, sur des couvertures, à la belle étoile ou à l’abri précaire d’une toile de tente. La nuit, de la ville, on voit les feux de leur campement scintiller autour de la chapelle. Aux premières lueurs du jour, la cloche tinte et les prêtres arrivent. Sans interruption, pendant toute la matinée sur un autel dressé en plein air, les messes succèdent aux messes, les fidèles aux fidèles. Des théories d’hommes, de femmes, d’enfants portant des couffins, des paniers à provisions, des bouteilles de bière, de vin, de limonade, montent et descendent. Tous les vendeurs de glace viennent offrir leur crème aux grimpeurs altérés.

Sur toute cette foule, que dominent les invocations de Lourdes,

« Seigneur nous vous adorons ! Seigneur, si vous le voulez, je serai guéri ! »

tourbillonnent, soulevés par le vent d’ouest, des nuages de poussière. Une violente odeur de cierges brûlés prend à la gorge les chanteurs extatiques d’« Ave Maria ». Des milliers et des milliers de bougies, de chandelles, se consument à l’intérieur ou à l’extérieur de la chapelle. La cire qui coule recouvre les rochers, les marches de l’église, les rend glissants et dangereux.

Pendant toute la journée, cette exaltation, cette atmosphère qui tient à la fois de la mystique de Lourdes et de la joie bruyante d’une kermesse règne sur la montagne. Et ce n’est que lorsque le soleil a fini de teinter de rose, de l’autre côté de la baie les falaises de Canastel, que les derniers promeneurs redescendent, harassés, pliant sur leurs genoux, les bras chargés de fleurs, de paniers et d’enfants, les sentiers qui les conduisent à la ville.

Santa-Cruz retrouve alors son calme et sa sérénité majestueuse.

Henri QUEYRAT.

 

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ORAN 1790

Posté par lesamisdegg le 8 octobre 2015

oran 08 octobre 1790

 « Dans la nuit du 8 au 9 octobre dernier, à une heure et quelques minutes, alors que le sommeil exerce le plus grand empire sur la nature humaine, Dieu fit peser sur nous le glaive de sa justice, menaçant de nous exterminer tous dans les convulsions d’un tremblement de terre si profond qu’en moins de trois minutes il ruina la majeure partie des édifices et ébranla le reste de fond en comble.

….Le peuple réclamait à grands cris qu’on lui ouvrît les portes de la ville afin de se réfugier dans la campagne et se soustraire ainsi à la chute des édifices, partout ébranlés. C’était en effet, pour nous, un sujet de terreur que ces murailles encore debout, quoique chancelantes sur leurs bases qui, à la moindre commotion du sol, oscillaient d’une manière effrayante. On demandait toujours les clefs de la ville mais, avec une partie de la maison du gouverneur, elles étaient enterrées sous les ruines de l’église métropolitaine.

…Les premières lueurs du jour nous surprirent dans cet état d’anxiété; à la faveur de la lumière on entreprit des fouilles laborieuses et nous acquîmes la certitude que le Gouverneur Général (Don Nicolas Garcia) et toute sa famille avaient péri.

…..Car encore que nous eussions de la farine, nous étions sans tamis, sans pétrin et sans four pour la cuisson du pain… On appliqua, dans la matinée même, tous les ouvriers qu’on pût réunir, à la construction de fourrs de plein air, lesquels commencèrent à fonctionner immédiatement. »

L’ennemi profite de l’occasion, et des brèches des murailles, pour attaquer la ville, mais il est repoussé.

« Mais je laisse Votre Majesté juge de l’héroïsme de cette conduite, si Elle veut bien tenir compte de l’impression sous laquelle combattaient ces hommes; si Elle daigne considérer que les tremblements de terre durent toujours, quelques-uns si profonds encore qu’ils nous rappellent les malheurs dont les premiers nous ont rendu témoins; si Elle songe, enfin, qu’en recouvrant une plus grande liberté d’esprit, chacun de nous devra, à la vue des vides laissés autour de lui, regretter plus amèrement, le père son fils, le fils son père, le mari sa femme, la veuve son mari, tous enfin des parents, des amis ; et un grand nombre, le fruit des sueurs de toute leur vie ; car ceux-ci ont vu leur fortune s’écrouler avec les maisons qui étaient leur ouvrage, ou s’ensevelir sous les ruines ; ou leurs bijoux, leurs vêtements ; souvenirs qui, toujours présents à leurs yeux, les plongent dans un abattement capable d’abréger leur vie.

…Tel est, Sire, l’état dans lequel nous nous trouvons, abrités sous nos tenttes de campagne, aujourd’hui 2 novembre 1790.

Comte de Cumbre-Hermosa

(Original à l’Archive de la Réal Audencia de Valencia n° 20.137)

 

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20 Aout 1955 EL HALLIA le massacre

Posté par lesamisdegg le 20 août 2015

 

EL HALIA  le massacre 20 aout 1955  JF GALEA

EL-HALIA le massacre -20 aout 1955 - JF GALEA

Zirout Youssef, responsable FLN du Nord Constantinois, décide de lancer, le 20 août à midi, une attaque  , « l’offensive généralisée » -comme disent les fells ou leurs kapos - contre 40 localités, afin de venir en aide aux rebelles de l’Aurès qui sont aux prises avec les paras de Ducournau. Il dispose d’à peine 200 hommes armés qui devront soulever la population, laquelle ne s’engage pas dans la révolution. 12 000 musulmans sont mobilisés. Les objectifs de Zirout sont de récupérer de l’armement, de massacrer les européens l, les français-musulmans loyalistes ,    ainsi que des notables musulmans modérés signataires d’un appel condamnant « toute violence d’où qu’elle vienne ».  et de provoquer des représailles irréparables. Ses propagandistes affirment que l’armée de Nasser et les Américains soutiennent ce soulèvement raciste. Dans la plupart des localités, les djounoud restent en retrait et poussent en avant les femmes et les enfants.  Il s’agissait pour le FLN de semer la terreur, d’impliquer les fellahs dans le terrorisme. . Youcef Zighout  est éliminé dans une embuscade  en septembre 1956.

 

L’action la plus importante vise Philippeville, ville de 70.000 habitants, où des masses de civils, manifestement drogués, avancent dans les rues sans se soucier de lourdes pertes. L’armée et la police sont en effet alertées et bloquent brutalement les manifestants. En revanche, la mine d’El Halia et le village d’Ain Abid ne sont pas protégés, et les Européens y subissent d’horribles atrocités [1]. Le bilan, minutieusement vérifié, est de 133 Français d’Algérie [2], 53 militaires et policiers, et 36 Français-musulmans dont le neveu de Ferhat Abbas. La répression militaire aurait fait 700 morts le 20 août, et les vengeances de civils plus de 2000 tués les jours suivants (et non les 12000 revendiqués par le FLN).

Les conséquences de ce soulèvement sont tragiques : « C’est la guerre, il faut la faire », déclare le gouverneur Soustelle, qui abandonne l’idée d’une politique libérale [3].  La fracture entre les communautés s’aggrave, elle donne naissance au contre-terrorisme de certains Européens [4] .Sans être exactement une répétition des massacres du 8 mai 1945, ces violences préfigurent celles de la guerre civile des années 1990.

Notes [1] On peut citer 21 enfants dont les têtes sont écrasées contre les murs, et le témoignage de ce rebelle, qui après avoir égorgé une femme, mange le poisson qu’elle avait préparé. [2] Roger Vétillard publie les noms de 51 victimes européennes. [3] Cette déclaration dément la légende de ceux qui prétendent qu’on a attendu la loi de 1999 pour reconnaître la réalité de la guerre d’Algérie. Un Comité de guerre interministériel s’est réuni à Constantine en juillet 1957. [4] Le terrorisme FLN a précédé le contre-terrorisme. Il n’a pas attendu l’attentat de la rue de Thèbes en août 1956 pour utiliser les explosifs. 

Roger Vétillard. 20 août 1955 dans le nord-constantinois. Un tournant dans la guerre d’Algérie. Préface de Guy Pervillé. Ed. Riveneuve, 2012, 351 pages, 20 euros. Originaire de Sétif, le docteur Vétillard, après avoir renouvelé l’histoire du 8 mai 1945, a fait une étude très approfondie sur les massacres du 20 août 1955, à partir de documents inédits de la ville de Philippeville, des archives de la gendarmerie et de l’armée, et des témoignages de 53 Français et 11 Algériens, dont 5 anciens de l’ALN.  Cet ouvrage montre que des travaux rigoureux peuvent réviser des idées reçues.

 

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PROVENCE , 15 aout 1944 ,opération « Anvil Dragoon »

Posté par lesamisdegg le 15 août 2015

 

Maréchal de France

Maréchal de France

Le 15 août 1944, à 8h, les Alliés débarquent en Provence, sur dix-huit plages entre Toulon et Cannes. Aux côtés des troupes anglo-saxonnes figure un puissant corps d’armée constitué de 120.000 Français sous le commandement du général Jean de Lattre de Tassigny. C’est le troisième débarquement après ceux de Sicile et de Normandie.

Un soutien bienvenu à Overlord et à la libération de la France…..Baptisé Anvil (« Enclume ») puis Dragoon (« Dragon »), le débarquement de Provence a été décalé de plus de deux mois par rapport à celui de Normandie car les Alliés ne disposaient pas d’assez de bateaux de transport pour mener les deux de front. Sa direction est confiée au général Alexander Patch, qui commande la VIIe Armée américaine.

Une véritable armée française, sous les ordres du général Jean de Lattre de Tassigny, débarque sur les côtes nationales.  Forte de 260.000 hommes – dont 5 000 auxiliaires féminines -, elle est constituée de volontaires de la France Libre  , d’A.E.F. d’A.O.F. pour 10% et des conscrits d’Afrique du Nord, « Pieds-Noirs » à 48% et musulmans à 52% , soit 11,2% et 1,2% des populations respectives  -0,06% pour les métropolitains -. Cette armée va débarquer par vagues successives sur les côtes de Provence, aux côtés des Anglo-Saxons. Pendant que ces derniers s’engouffreront dans la vallée du Rhône, c’est elle qui va conduire l’assaut contre Toulon et Marseille.

Une progression plus rapide que prévu……Comme tout le littoral européen, la côte provençale a été dotée par les Allemands de solides fortifications : blockhaus (casemates) et mines. Mais dès le 27 mai 1944, l’aviation alliée a bombardé tous les sites stratégiques de la côte, comme la gare Saint-Charles de Marseille, et, comme en Normandie, la Résistance intérieure s’est mobilisée pour empêcher par des sabotages tout repli de l’occupant.  Dans la nuit du 14 au 15 août 1944, neuf mille parachutistes anglo-saxons sous les ordres du général américain Robert T. Frederick, sont largués dans l’arrière-pays, entre les massifs des Maures et de l’Estérel. Ils s’assurent le contrôle des routes et marchent sans attendre vers Cannes. À l’aube arrivent les premiers navires, avec une solide couverture aérienne. Ces navires sont partis pour certains dès le 4 août, d’Afrique du Nord ou d’Italie du Sud. En deux jours, 115.000 hommes touchent terre. L’assaut a été si rapide que les Allemands ont eu à peine le temps de réagir et l’on ne comptera que quelques dizaines de victimes parmi les Alliés. Dès le 19 août 1944, les Allemands reçoivent de leur hiérarchie l’ordre de se replier, à l’exception des garnisons de Toulon et Marseille qui ont ordre de résister coûte que coûte.

Toulon et Marseille libérées….Les Américains du général Patch se dirigent à marches forcées vers la vallée du Rhône sans rencontrer de véritable résistance, atteignant Lyon dès le 3 septembre 1944. Ils font leur jonction avec l’armée de Patton, venue de Normandie, le 12 septembre 1944, à la hauteur de Dijon.   À Toulon résistent dix-huit mille soldats de la Wehrmacht sous les ordres du contre-amiral Heinrich Ruhfuss. Ils ne se rendront que le 26 août. À Marseille, la population se soulève dès le 19 août 1944 mais le général allemand Hans Schaeffer, qui tient la ville avec 20.000 hommes, ne cessera la résistance que le 28 août.   Grâce à cette participation de l’armée française à la libération du continent, le général de Lattre ratifiera au nom de son pays la capitulation de l’Allemagne, le 8 mai 1945, à Berlin.

 

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26 mars 1962 Alger : témoignages

Posté par mdame le 11 juillet 2009

Ce 26 mars 1962 , vers 10 heures , dans toute la ville circule rapidement un mot d’ordre de grève générale à partir de 14 heures et de manifestation à partir de 15 heures. Des tracts sont bientôt répandus invitant la population à se rassembler à 15 heures au Plateau des Glières (Place de la Grande Poste) pour défiler vers Bab-El-Oued , sans aucune arme et en silence. Le but est de montrer que toute la ville est solidaire de Bab-el-Oued. 

A ce moment, ce quartier est isolé depuis 3 jours, ravitaillement en pain assuré par l’Armée de 6 heures à 8 heures le matin, aux femmes seulement – Les vivres collectés en ville Samedi et Dimanche ont été pris par les Forces de l’Ordre  » et ne sont pas parvenus à la population – Aucun enlèvement des morts ni des blessés – L’évacuation des enfants de moins de 10 ans est interdite, car des familles d’autres quartiers avaient demandé à en héberger – Les hommes de 14 à 70 ans emmenés de chez eux sans aucun bagage pour être triés au Camp du Lido et au stade de Saint-Eugène : 3 000 sont alors en cours de tri, parqués sans nourriture ni abri, battus . Après vérification de leur identité, ils sont relâchés, mais en ville et ne peuvent regagner Bab-el-Oued qui est bouclé . Sous prétexte de fouille, les gendarmes cassent, pillent appartements et magasins. Ils tirent au canon de 37 et à la mitrailleuse de 12,7 sur tout ce qui bouge ou fait du bruit .  Les volets sont clos en permanence.

A partir de 14 heures, la foule afflue vers la Place de la Poste, un piétinement régulier, sans précipitation, sans un cri . La place est encerclée par l’Armée, des barrages coupent les rues, constitués pour la plupart de camions joints – Les Facultés sont occupées militairement. Les groupes parviennent à la Poste malgré les barrages, en contournant les infranchissables . Rue Michelet un cordon de soldats laisse passer un filet, mais Boulevard Baudin, les CRS ne se laissent pas franchir et les gens des quartiers Est (Belcourt) sont obligés de faire le tour par le haut de la ville ou les quais. Les voies sont toutes barrées, mais la dernière moins fortement, c’est elle qu’empruntera le cortège.

Partout les soldats sont en tenue de combat, casque lourd, mitraillette et FM avec chargeur engagé, le visage dur.

« Depuis le matin, les terrasses des immeubles bordant la Place de la Poste sont occupées par l’Armée ; sur certaines des mitrailleuses de 12,7 sont en position – A partir de 14 h 30, les soldats envahissent les appartements de ces immeubles et se postent aux balcons »-Journalistes Suisse et Américain-

 

 

Vers 14 h,30, la foule (10 – 15.000 personnes) se met en marche vers Bab-el-Oued par la rue d’Isly, derrière un drapeau français tenu par un ancien combattant arabe, entouré de jeunes arabes – La foule est serrée, silencieuse, marchant lentement . Des jeunes commencent à scander des slogans, mais leurs voisins les font taire : il faut une manifestation de masse, digne, calme, résolue . Des femmes, nombreuses, des enfants, des vieillards , mains vides, de vieilles personnes s’appuient sur des cannes.

 

 

« Le cordon de soldats placé à l’entrée de la rue d’Isly laisse passer le cortège et se place le long des Magasins au début de la rue, entre Cook et Havas : une dizaine d’homme dont 2/3 musulmans » (voisin de lit à l’hôpital).
Le cortège progresse rue d’Isly et passe un 2ème cordon de soldats, placé à environ 50 mètres du 1er. Mais là « un Lieutenant nous adjure de rentrer chez nous, les larmes aux yeux – lorsque nous lui disons que nous sommes Français, n’avons pas d’armes et manifestons calmement notre solidarité pour Bab-il-oued, il répond que ses hommes ont reçu l’ordre de tirer » – (une cousine – 50 ans).

« Le cortège passe pendant 10 – 15 minutes, mais tout à coup les soldats reforment le barrage, en tronçonnant le défilé ; pointant leur mitraillette sur le ventre des manifestants, ils les empêchent d’avancer – il est 14 h30″ (voisin de lit).

14 h.50 : c’est l’ouverture du feu, par des rafales de mitraillette, sans qu’il y ait eu, au préalable, un cri, un coup de feu, une sommation , tir à bout portant.
« Les première rafales sont tirées du carrefour Bd Pasteur – rue d’Isly par des soldats postés devant Havas (appartenant au 1er cordon) et en face (appartenant au 2ème cordon) Le tir arrose la foule rue d’Isly et vers la Grande Poste ». (Journaliste américain).

 

 

Les manifestants tombent, se couchent ou courent pour se protéger. « Ceux qui refluent rue Chanzy sont pris sous le feu de soldats placés Bd Bugeaud et tirant vers la rue d’Isly » (journaliste Américain).

Beaucoup se plaquent sur le trottoir de la rue d’Isly opposé au Bd Pasteur, les plus heureux plongeant dans les couloirs d’immeubles – La rue d’Isly étant bordée de magasins, les vitrines sont cassées et on verra à l’hôpital « de nombreux blessés par verre, tendons sectionnés » (Infirmière du Sce de l’Hôpital).
D’autres (comme moi), refluent vers la Grande Poste en courant : ils sont fauchés par le feu ouvert par le barrage placé Bd Bugeaud (PM et surtout FM) . (Je suis touché à la base de l’épaule gauche par une balle entrée de 3/4 arrière et ressortie devant sous salière gauche)
Du coup, plus personne ne court, tout le monde est à terre – Le tir est général, au PM , au FM , provenant des soldats placés rue d’Isly et Bd Bugeaud. « A cette heure, le service d’ordre tire aussi du Bd Bugeaud vers la rue Alfred Lelluch (parallèle en contrebas), Place de l’Opéra (Ouest de la Poste 800 mètres à vol d’oiseau), aux Facultés vers la rue Michelet (Est 400 mètres), au Carrefour de l’Agha, (Est 500 mètres), au Champ de Manoeuvres .(Est 3 kms), sans tuer trop de monde car il n’y avait pas de manifestants à ces endroits … » (des riverains, venus rendre visite aux 3 blessés que nous étions dans la chambre d’Hôpital).
Sur la « placette de l’horloge », chaque vivant se fait le plus petit possible, car les tirs continuent sur les gens couchés. A ma place, couché sur le trottoir de la Grande Poste, les pieds tournés vers le Bd Bugeaud, je suis un peu surélevé, rien ne me protège, mais je puis observer toute la placette, de Cook au Carrefour Pasteur -Isly. J’entends dans mon dos les départs de PM, du barrage Bugeaud, qui tire sans arrêt – La placette est jonchée de corps, certains entassés dans les caniveaux – A ma gauche, assis dans l’encoignure de la porte de l’ancien local des Chèques Postaux, un vieux monsieur blessé légèrement se blottit et attend – à gauche devant, git un homme, baignant dans une mare de sang, la mâchoire inférieure arrachée, mort – A droite, dans le caniveau, un homme de 50 ans est couché, le visage tourné vers moi, les yeux fermés, paisible : il a la tempe gauche traversée, sa femme crie « mon mari est mort, mon mari est mort ! « elle est couchée à côté de lui et l’entoure de son bras, elle veut se lever pour chercher du secours, mais je l’exhorte à ne pas bouger – En effet, des bras ensanglantés se lèvent, des gens hurlent de cesser le feu « nous sommes Français comme vous, arrêtez ! », des blessés tentent de se soulever : tout début de mouvement déclenche immédiatement des rafales – A l m.50 de moi, sur ma gauche, le mur de la Grande Poste est criblé de balles à moins de 40 cms du sol. Je suis dans une position parallèle à ce mur, les balles me frôlent, souvent après avoir ricoché sur le trottoir, qui est tout écaillé (l’une m’atteint au sommet du crâne et m’entaille le cuir chevelu jusqu’à l’os).
Mon voisin de lit, qui se trouvait alors couché 7 , 8 m. devant moi (dans le même sens que moi), est atteint au pied par une balle de FM , qui après avoir ricoché, pénètre entre 2 orteils et va se loger près de la cheville – Ses voisins droite et gauche avec qui il s’entretenait, sont tués presqu’en meme temps, l’un d’une balle dans l’arrière de la tête, l’autre d’une balle dans le dos.
De ma place, je vois les militaires postés entre Cook et Havas arroser les gisants au PM et au FM : ils vident chargeur sur chargeur, ce sont des musulmans. L’un nous fait signe de nous lever, en nous gueulant des injures et en faisant des gestes obscènes – Au carrefour Pasteur-Isly, un gradé (quelque chose brille sur ses épaulettes), se dandine d’un trottoir à l’autre du Bd. Pasteur, la mitraillette en sautoir, les mains dans les poches.
Le rafales continuent de partout : il y a au moins 10 minutes que le feu a été ouvert. Dans le lointain j’entends une corne de pompiers, c’est une camionnette qui s’arrête 10 m devant moi : je fonce.

Divers témoignages .

- d’un lieutenant de tirailleurs à un collègue : vers 14 h-30 sont arrivés en camion des musulmans nouvellement incorporés qui obéissaient manifestement à des consignes préalables que nous ignorions : ils constituaient les cordons 1 et 2, rue d’ Isly (Ce sont eux qui ont ouvert le feu).
- d’un Journaliste américain : Les cordons 1 et 2 étaient formés de soldats FLN de la Willaya 3 incorporés depuis quelques heures (Dans le cadre de la force locale).
- d’un Visiteur : le feu a cessé lorsque le Lieutenant commandant le détachement qui l’ordonnait depuis 10 minutes en vain, a abattu un des tireurs musulmans, Il a été tué lui-même par un voisin du premier.
- d’un Journaliste suisse : des femmes et des enfants ont été achevés dans les couloirs.
- d’un témoin logeant dans un immeuble surplombant : un officier passait parmi les corps et achevait les blessés au pistolet.
- d’un Journaliste Américain : sur les terrasses occupées militairement, on a retrouvé des étais de balles, d’armes individuelles et collectives – d’autre part, les carreaux des terrasses ont éclaté par des balles tirées des hélicoptères.
- d’un Chirurgien de l’hôpital « ont été tués en portant secours à des blessés : le Docteur Massonat , 2 pompiers . Une ambulance de l’hôpital a été criblée de balles, son chauffeur est arrivé tout ensanglanté… pour être hospitalisé d’urgence.
- d’un Docteur : aucune arme n’a été trouvée sur les gens ramassés, morts ou blessés.

Le quartier n’a pas été fouillé, comme il n’eut pas manqué de l’être si le feu avait été ouvert par des tireurs de l’OAS. D’ailleurs les tireurs (que je voyais bien, ne se protégeaient pas du tout d’en haut. J’ai vu l’un d’eux diriger, à un moment, son arme vers le haut, regarder quelques secondes, puis arroser à nouveau les couchés, sans doute après avoir reconnu des copains sur les balcons …

Bab-el-oued a été débloqué le 29 à 5 heures, soit après 7 jours d’isolement, Le beau-père d’un voisin de lit s’y est rendu rapidement, à son magasin, et il a recueilli quelques témoignages. -D’abord son magasin est cassé et pillé)-Armée et CRS ont essayé de se tenir hors du coup, même le contingent, qui fraternisait avec la population. Devant ce relâchement, les autorités ont envoyé les Gendarmes mobiles avec des blindés – Ceux-ci ont cassé et pillé les magasins, emportant les marchandises par sacs et valises (en particulier le Monoprix). Dans les appartements, ils ont cassé les meubles, volé tout ce qu’ils pouvaient emporter, argent, bijoux : aux propriétaires qui leur demandaient un récépissé, ils répondaient de le faire faire par les Chefs…. mais personne ne pouvait sortir. -Les Doyens des Facs Médecine-Sciences-Lettres ont été destitués pour avoir protesté contre ces procédés (mercredi 28/3).

Le résultat de la fusillade serait de environ 50 morts et 200 blessés. Ce chiffre peut paraître en discordance avec celui de 10 -15.000 que j’ai donné pour les manifestants, mais les rafales n’ont couché que la queue du cortège, les retardataires qui, comme moi, avaient retenu 15 heures pour heure du rassemblement – Heureusement la grosse masse des manifestants avait déjà passé le cordon n°2 depuis quelques minutes.

 

témoignage de J.L.SIBEN   

26 mars de "Jf Galea"

26 mars de « Jf Galea »fa

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