GALOUFA

Posté par lesamisdegg le 8 mai 2016

Durant la première moitié du vingtième siècle , dans toute l’Algérie française , sévissait un « capteur de chiens » surnommé le « galoufa ».

Albert CAMUS en fait une superbe description dans « le premier homme ».

 

Ce fonctionnaire municipal opérait à peu près à la même heure, mais, selon les nécessités, il faisait aussi des tournées d’après-midi.

C’était un arabe habillé à l’européenne, qui se tenait ordinairement à l’arrière d’un étrange véhicule attelé de deux chevaux, conduit par un vieil arabe impassible. Le corps de la voiture était constitué par une sorte de cube de bois, sur la longueur duquel on avait ménagé, de chaque côté, une double rangée de cages aux solides barreaux. L’ensemble offrait seize cages, dont chacune pouvait contenir un chien, qui se trouvait alors coincé entre les barreaux et le fond de la cage. Juché sur un petit marchepied à l’arrière de la voiture, le capteur avait le nez à la hauteur du toit des cages et pouvait ainsi surveiller son terrain de chasse. La voiture roulait lentement à travers les rues mouillées qui commençaient à se peupler d’enfants en route vers l’école, de ménagères allant chercher leur pain ou leur lait, en peignoirs de pilou ornés de fleurs violentes, et de marchands arabes regagnant le marché, leurs petits éventaires plies sur l’épaule et tenant de l’autre main un énorme couffin de paille tressée qui contenait leurs marchandises.

Et tout d’un coup, sur un appel du capteur, le vieil arabe tirait les rênes en arrière et la voiture s’arrêtait. Le capteur avait avisé une de ses misérables proies, qui creusait fébrilement une poubelle, jetant régulièrement des regards affolés en arrière, ou bien encore trottant rapidement le long d’un mur avec cet air pressé et inquiet des chiens mal nourris. Galoufa saisissait alors sur le sommet de la voiture un nerf de bœuf terminé par une chaîne de fer qui coulissait par un anneau le long du manche. Il avançait du pas souple, rapide et silencieux du trappeur vers la bête, la rejoignait et, si elle ne portait pas le collier qui est la marque des fils de famille, courait vers lui avec une brusque et étonnante vélocité, et lui passait autour du cou son arme qui fonctionnait alors comme un lasso de fer et de cuir. La bête, étranglée d’un seul coup, se débattait follement en poussant des plaintes inarticulées. Mais l’homme la ramenait rapidement jusqu’à la voiture, ouvrait l’une des portes-barreaux et, soulevant le chien en l’étranglant de plus en plus, le jetait dans la cage en ayant soin de faire repasser le manche de son lasso à travers les barreaux. Le chien capturé, il redonnait du jeu à la chaîne de fer et libérait le cou du chien maintenant captif.

Du moins, les choses se passaient ainsi quand le chien ne recevait pas la protection des enfants du quartier. Car tous étaient ligués contre Galoufa. Ils savaient que les chiens capturés étaient menés à la fourrière municipale, gardés pendant trois jours, passés lesquels, si personne ne venait les réclamer, les bêtes étaient mises à mort.

Et quand ils ne l’auraient pas su, le pitoyable spectacle de la charrette de mort rentrant après une tournée fructueuse, chargée de malheureuses bêtes de tous les poils et de toutes les tailles, épouvantées derrière leurs barreaux et laissant derrière la voiture un sillage de gémissements et de hurlements à la mort, aurait suffi à les indigner. Aussi, dès que la voiture cellulaire apparaissait dans le quartier, les enfants se mettaient en alerte les uns les autres. Ils se répandaient eux-mêmes dans toutes les rues du quartier pour traquer les chiens à leur tour, mais afin de les chasser dans d’autres secteurs de la ville, loin du terrible lasso. Si, malgré ces précautions, comme il arriva plusieurs fois à Pierre et à Jacques, le capteur découvrait un chien errant en leur présence, la tactique était toujours la même. Jacques et Pierre, avant que le chasseur ait pu approcher suffisamment son gibier, se mettaient à hurler :

« Galoufa, Galoufa »

sur un mode si aigu et si terrible que le chien détalait de toute sa vitesse et se trouvait hors de portée en quelques secondes. A ce moment, il fallait que les deux enfants fissent eux-mêmes la preuve de leurs dons pour la course de vitesse, car le malheureux Galoufa, qui recevait une prime par chien capturé, fou de rage, les prenait en chasse en brandissant son nerf de bœuf. Les grandes personnes aidaient généralement leur fuite, soit en gênant Galoufa, soit en l’arrêtant tout droit et en le priant de s’occuper des chiens. Les travailleurs du quartier, tous chasseurs, aimaient les chiens ordinairement et n’avaient aucune considération pour ce curieux métier. Comme disait l’oncle Ernest : « Lui feignant ! » Au-dessus de toute cette agitation, le vieil arabe qui conduisait les chevaux régnait, silencieux, impassible, ou, si les discussions se prolongeaient, se mettait tranquillement à rouler une cigarette. Qu’ils aient capturé des chats ou délivré des chiens, les enfants se hâtaient ensuite, pèlerines au vent si c’était l’hiver, et faisant claquer leurs spartiates si c’était l’été, vers l’école et le travail. Un coup d’œil aux étalages de fruits en traversant le marché, et selon la saison des montagnes de nèfles, d’oranges et de mandarines, d’abricots, de pêches, de mandarines, de melons, de pastèques défilaient autour d’eux qui ne goûteraient, et en quantité limitée, que les moins chers d’entre eux.

 

L’origine de ce nom provenait de la première personne qui avait accepté cette fonction et qui se nommait réellement Galoufa

GALOUFA 1913 Drack-Oub

GALOUFA 1913
Drack-Oub

 

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La MOUNA de Belabbès

Posté par lesamisdegg le 27 mars 2016

lundi de paques à Oran en 1873

lundi de paques à Oran en 1873

Lundi notre ville avait perdu sa gaieté, son entrain. Les rues étaient désertes, presque tous les magasins fermés. Dès l’aube des groupes nombreux de piétons et des voitures rapides sillonnaient les rues dans toutes les directions et gagnaient la campagne. Ce mouvement inusité, cette émigration nouvelle m’intriguait, et comme dit la chanson :

Je ne suis pas curieux

Mais je voulais savoir,

Pourquoi dans d’autres lieux

Ils fuyaient jusqu’au soir.

Je demandai donc le pourquoi de la chose. L’Espagnol, que j’interrogeai, me  toisa des pieds à la tête et me regarda absolument comme un Marseillais de Marseille auquel j’aurais demandé le chemin de la Cannebière ; puis il se mit à rire, d’un de ces rires francs et sonores. « Allez à la campagne », me dit-il, et vous verrez :

C’est la Mouna !

La Mouna ! La Mouna ! À deux heures je franchissais la porte d’Oran.

Je marchais guidé par le hasard. Mais je ne tardai pas à rencontrer une jeunesse – et une belle jeunesse s. v. p., coté des dames surtout – qui prenait ses ébats sur l’herbette fleurie. Les rives de la Mekerra étaient bordées de groupes animés, où régnait la gaieté la plus cordiale, la plus franche. Ça et là, au son d’une musique, peut-être un peu trop agreste, il est vrai, on polkait, on valsait avec un entrain endiablé. Les couples se pressaient et plus d’un baiser, en cachette de la maman, se donnait furtif. Je me croyais à Auteuil à Mabille ou au Point-du-jour. Comme à Robinson, il y avait du bon vin, de la verdure, du soleil et des roses. Tout était en fête, partout des visages heureux, partout des sourires. Ces grands yeux noyés d’Andalouses, ces corsages trop ou trop peu ouverts, ces mouchoirs aux couleurs voyantes, encadrant ces fines tètes au profil si régulier, si pur, tout cela me charmait, m’enthousiasmait.

Du premier coup, la Mouna m’avait conquis.

Mais d’où venait-elle cette fête ? Avait-elle pris naissance dans quelque fait biblique ou mythologique ? Etait-ce le résultat d’un vœu national, religieusement observé chaque année? N’était-ce pas plutôt un simple effet du hasard, une vieille coutume les enfants apprennent de leurs pères pour la léguer ensuite à leurs petits-neveux ?

Je consultai à mon retour pas mal de vieux conteurs – on dirait chroniqueurs aujourd’hui –  de la péninsule Ibérique, et parmi les nombreuses légendes de cette Mouna, il en est une qui me parut assez bizarre, sinon vraisemblable. La voici :

« Vers la fin du XVIème siècle, au milieu des gorges de la Sierra-Nevada et non loin de Grenade, se dressait un vaste monastère. La discipline y était rude, et la férule de l’abbé gouverneur impitoyable.

Les moines, prisonniers plus ou moins volontaires, étaient si mécontents, si malheureux, qu’ils souhaitaient la mort de leur supérieur. Mais les idées libérales étaient encore enfouies dans le chaos du néant, et ces hommes de Dieu étaient incapables d’une  révolution même pacifique.

La nature vint à leur aide et un beau jour, un vendredi-saint – quelle coïncidence ! – la mort frappa le tyranneau.

Le couvent retentit de cris et de plaintes, absolument comme s’il se fût agi d’un mort aimé, et les moines, en égrenant leur chapelet, suivirent à sa dernière demeure, avec une feinte douleur, celui qu’ils avaient envoyé tant de fois… au fond des enfers.

Les derniers devoirs une fois rendus, la joie éclata folle, délirante ; on dit même que quelques religieux, des jeunes sans doute, esquissèrent à deux pas de la tombe de leur ancien seigneur et maître, un grand écart parfaitement réussi. .

La longue file des moines s’en allait cahin-caha en se dirigeant vers un monastère de saintes religieuses, à la porte duquel elle s’arrêta. Le plus ancien frappa à là porte et la sœur tourière vint ouvrir en souriant à tous.

Une délégation fut envoyée auprès de la supérieure pour lui expliquer le but de cette visite inattendue et si nombreuse. « On voulait s’amuser un brin, fêter l’heureuse mort et on invitait ces dames ». Après bien des hésitations et de longs pourparlers, (car il paraît qu’on y mit des formes, l’invitation fût acceptée.

Alors, du monastère sortirent deux longues files de capuchons gris et de cornettes blanches.

En gens pratiques les bons moines avaient eu le soin de dépêcher un des leurs au couvent pour en ramener des victuailles, des provisions de toutes sortes et de ce vin d’Espagne. qui devait faire d’eux de nouveaux Noé.

On s’amusa ferme, tellement même que les habitants d’alentour étonnés de ce spectacle d’un nouveau genre, accoururent en foule pour jouir du coup d’œil.

Mais la chose fit dit bruit et arriva aux oreilles du Pape. On parla de l’a réunion d’un concile, des foudres de l’Eglise; en fin.de compte, on se contenta d’envoyer les coupables dans divers couvents de la Péninsule.

Cette dispersion aux quatre coins de l’Espagne des moines et des nonnes, donna à la fête un renom universel et un attrait de plus, celui du fruit défendu.

Une fois cloîtrés dans leur nouvelle prison, ils contèrent la chose  à leurs confrères, qui à leur tour voulurent fêter l’Anniversaire. Le public s’en mêla, et chaque année le lundi de Pâques, c’était entre civils et… religieux, une fête de famille, une sauterie intime.

Le temps a passé et avec lui les moines et les couvents mais la coutume est restée d’aller faire la Mouna le lundi de Pâques, alors que la nature renaît et que dans les ombrages nouveaux l’oiseau chante sa première chanson. «

Telle est une des nombreuses légendes qui circulent sur l’origine de la Mouna.

Si non vero, bene trovato !

La Mouna a été célébrée lundi par la colonie Espagnole et aussi par les Français avec un entrain merveilleux et les valses et les polkas avaient certainement autant de vie que 1es farandoles dansées par les religieux et religieuses de la légende.

Les rives de la Mekerra refléteront longtemps encore les doux moments et les folles joies de lundi. Puissent-elles en conserver les petits secrets !

BEL-ABBÈS, LE 13 AVRIL 1887

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Noche buena en Oran 1906

Posté par lesamisdegg le 24 décembre 2015

 

chateau-neuf , port , marine

chateau-neuf , port , marine

Oran, el 24 12 1906

Amigo mio

Boilà la fête de la Noche Buena qui s’en vient à peu à peu, et les mognatos avec les châtaignes arrosti y vont zoumber avec la mousique de la sambomba ! Que té paresse comparé ?

Tu tiens que de me donner l’espérance qué ton papa on te dessera une permission pour la journée de la nuit pour que tu t’enviens par ici, pourquoi là-bas à la Meletta on doit être aborecido pour signalait comme nous autres la fiesta de Navidad.

Alors tu tiens que de te débrouiller la calahéra pour sa que je t’a dit un peu plus par en haut, et tu voira quel pancha de rigolade. A les 12 de la nuit, vamos avec une patouléra de fadrinas (demoiselles) à la missa del gallo (minuit) et tu tiens pas peur d’atchoutcher et les ramponchons y manque pas et après de là on s’en va faire l’armée à la Posada del Sol et mou chopons une fouméra menua pourquoi l’anisette y manque pas, et après vinga toucher la sérénata pour toute les colléga que tu tiens à la connaissance. El amigo Carganéra y vient avec la mandouria, Gambasino et Lagagna avec le laoute et la guitare. Si tu connais un qui touche le pito, tu lui dis qui vient, tché que staffa.

 Allé adieu, espéro repuosta à lo que te dicho.

F. RAYANO.

NB tout ceci est écrit en tchapourao naturel de 1906

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tout , tout , tout , vous saurez tout sur le ..COUSCOUS

Posté par lesamisdegg le 17 novembre 2015

couscous -irrieraCOUSCOUSSOU 1879

Les habitants de l’Afrique septentrionale comprennent généralement sous cette dénomination toute espèce de mets composé de farine blanche ou brune et cuit à la vapeur dans le keskass, qui est un vase semblable à une écuelle, dont le fond serait criblé d’une infinité de trous. Quant à moi, je pense que le vocable couscoussou est une onomatopée, dont les lettres et les syllabes n’ont pas d’autre rôle que d’imiter le bruit produit par la vapeur du bouillon qui passe à travers les trous du récipient et les grumeaux de la farine.

En Kabylie, on dit Seksou. Mais, par une déviation qui ne s’explique pas les gens de l’Oued Righ ont adopté le terme gouni, emprunté au fonds berbère. Le fabricant ou vendeur de cousscoussou s’appelle Kesaksi, au féminin Kesaksia.

Préparation du couscoussou. Dès que la récolte est rentrée, les femmes des tribus réunissent en un lieu découvert et isolé la quantité de blé dur destinée à la provision de couscoussou. Ce blé est d’abord mouillé complètement, puis étalé au soleil et recouvert d’étoffes très humides. Au bout de quelques heures, le grain ayant bien renflé, et sans attendre que la germination commence, on l’étend en couches minces au soleil sur des haïks de laine ou sur une aire battue. Lorsque la dessiccation est assez avancée, on passe le grain entre deux meules légères de calcaire dur. La meule supérieure est mue à bras, ordinairement par une femme; les grains sont seulement concassés en fragments gros comme du millet. On expose encore au soleil celte sorte de gruau brut, et alors il suffit de le vanner pour éliminer les pellicules. Puis on l’ensache dans des outres en peau de chèvre.

 La meule à bras est le meuble indispensable de chaque famille. Il se compose de deux meules de grès, ayant un diamètre de 40cm. La meule dormante repose sur le sol ; sa face supérieure est plane et percée, en son milieu, d’un trou de 4cm, qui reçoit un axe vertical en bois de 30cm. La meule tournante, qui se pose sur la première, a la forme d’un tronc de cône; elle est évidée en son milieu, à sa partie supérieure, de manière à donner passage à l’axe en bois de la meule inférieure. Une cheville en bois, fixée dans celte meule et formant avec le plan horizontal un angle de 40°, sert à la mettre en mouvement. Une ou deux femmes, assises sur le sol et ayant le moulin entre les jambes, fournissent la force motrice. (La Kabylie, par Hanoteau et Letourneux,)

 

 

Quand il s’agit de préparer un couscoussou pour le repas du soir, les femmes prennent du gruau ou de la semoule, les jettent par poignées successives dans un large plat de bois, qu’on appelle gueçaa, les arrosent avec quelques gouttes d’eau, et les roulent légèrement avec la paume de la main, jusqu’à ce qu’elles aient obtenu une espèce de granulation qui reçoit différents noms suivant sa grosseur.

 La berboucha, suivant la coutume des habitants de Constantine, se fait avec de la farine brune, notamment avec celle de l’orge. C’est le couscoussou le plus commun, el il forme presque exclusivement la nourriture des ménages pauvres. Comme légumes, on y ajoute le navet, la courge et l’artichaut sauvage (el chorchef –esp. alcachofa-), dont les nervures foliales sont mangées cuites dans le bouillon.

La mehamsa, en chaouïa timhamest, est une espèce de couscoussou fait ordinairement de farine d’orge grossièrement moulue; elle peut être mise sur le même rang que la berboucha.

 Le medjebour est préparé avec de la semoule tirée de la première qualité du froment, ou avec de la farine de moulure française. Les grains de ce couscoussou doivent avoir la grosseur du plomb de chasse. On l’accommode avec de la viande d’agneau, des poules, des pigeons ou des perdrix. Après celle opération on le fait cuire deux fois dans le keskass au bain-marie .On y ajoute du beurre fondu au moment de le servir dans la metsireda - plat en bois sur pied ou en poterie dans les villes. On l’arrose de bouillon (merga).

 Le mahwèr se fait avec les mêmes ingrédients que le medjebour, seulement  le grain en est plus menu. Le mahwèr le plus estimé est celui qu’on appelle nemli, parce qu’il ressemble par la ténuité de ses parcelles à des têtes de fourmi (nemla). Il peut être accommodé avec des viandes fraîches, mais jamais avec du khrelie ou du kaddide. Le khrelie est un mets composé de viande de bœuf ou de mouton, coupée en lanières, qu’on laisse mariner dans la saumure avec du poivre rouge, de l’ail et de la coriandre, et qu’on fait frire dans un bain d’huile ou de graisse. La kaddide répond à ce que nous appelons le petit-salé, mais traité plus grossièrement.

Le harache-fi-harache est ainsi nommé parce qu’il se compose de fleur de froment très fine (semid). Il ne diffère réellement du précédent que par la différence du mot. En Kabylie, la préférence est accordée, par économie, à la farine de sorgho et. à la farine de glands. On l’apprête avec des viandes fraîches, quelquefois même du kaddide ou du khrelie; son assaisonnement ordinaire consiste en oignon, sel, poivre rouge, courge, pois chiches et boulettes de viande hachée, grosses comme des balles de fusil. La sauce est colorée en rouge avec des tomates.

 Le mesfoufe se fait avec la première qualité de froment. On le laisse cuire de là même manière que tous les autres couscoussous; seulement on y mêle des grains de raisin sec ou des grains de grenade, et on le saupoudre d’une neige de sucre. Lorsque, pour le rendre plus délicat, on le noie de lait frais, il prend le nom de berboukha.

Le mecheroub n’est généralement pas très estimé. Lorsqu’à la suite de pluies abondantes l’eau a pénétré dans les silos, et qu’elle a atteint le blé qu’ils contiennent, ce blé s’imbibe (ichérob) et contracte en même temps un goût acre et une odeur nauséabonde. Après l’avoir tiré du silo, on le fait sécher, on le mout, et c’est de la farine qui en provient que l’on fait le mecheroub.

Le mezeüt .Parmi les silos il y en a dont la terre est bonne, cl lorsqu’on en extrait le blé qui y a séjourné deux ans ou davantage, sans avoir été jamais touché par l’eau, on détache des parois de la cavité une substance que les indigènes appellent mezeût, espèce de croule huileuse, produite par un peu d’humidité que la terre communique nécessairement au grain qu’elle renferme. Celte croûte affecte une couleur bleuâtre, et le goût en est légèrement sucré. On la transforme en medjebour. A entendre les Arabes, c’est un mets exquis, le plat des amis. Le couscoussou de mezeût s’apprête avec du beurre frais et de la viande d’agneau.

Le aïche ressemble à de là soupe au riz, avec cette différence cependant que les grumeaux du couscoussou remplacent les grains de riz. Il n’est pas rare qu’on fasse bouillir dans cette espèce de potage des abricots secs, qui sont désignés  le dialecte barbaresque par le mol fermas, issu probablement de l’adjectif latin firmus.

 Le farik tire son nom du premier froment tendre, que l’on cueille avant la moisson, et dont on fait durcir et griller les épis au four. C’est une primeur offerte au propriétaire par les laboureurs, et les actions de grâce n’y manquent pas. Les champs de Bou-farik, un des plus beaux villages de la Mitidja, avaient la renommée de fournir le farik pour la table du pacha d’Alger.

A Bougie, dit M. Ch. Brosselard, le savant explorateur des dialectes berbères, on appelle le couscoussou de qualité supérieure Keskessou-el-hourat, «le couscoussou  des houris » digne d’être mangé en Paradis.

A.   CHERBONNEAU.

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ORAN novembre 1904

Posté par lesamisdegg le 3 novembre 2015

ORAN 1904

ORAN 1904

ORAN 6 novembre 1904

Voici passé avec les premiers frimas, le jour solennel, que la tradition a consacré à la fête des morts. Nombreuses sont les familles qui ont au cimetière un caveau, ou une simple tombe, et dès l’aube, rougissant de ses premières lueurs les vieux murs, la longue procession ,de parents ou d’amis ,s’achemine sur la route poussiéreuse, portant des gerbes de fleurs.

Ici les conversations changent de ton, le bruit des pas s’étouffe, on craindrait de troubler la solitude de ce champ de repos. A l’intérieur, les cyprès touffus, alignés en longues files, le partagent en différentes avenues, bordées de chapelles qui dressent leur sévère architecture à côté de marbres, revêtus d’inscriptions endeuillées.

Plus loin, une infinité de petites tombes, toutes blanches, systématiquement placées, fait involontairement songer à un cimetière de poupées. Hélas ! Ce sont les tout petits, ceux dont les paupières n’ont fait que s’entrouvrir aux rêves de la vie et qui dorment là, bercés par la chanson du vent.

……………..Mais aujourd’hui, les tombes vont se parer comme par enchantement, la terre va se couvrir des fleurs, que de pieuses mains auront, déposées, et la pierre froide, sous la profusion des chrysanthèmes inclinant leurs longs pétales, paraîtra moins triste aux yeux. Puis, les frimas viendront, les fleurs se faneront lentement, une à une, sous les rayons d’un pâle soleil, et dans Tamashouët endormi, la statue d u silence, veillera seule à la porte des caveaux.

Près de la porte d’entrée, un modeste logis attira mes regards. Avisant un vieillard assis sur un escabeau, je m’approchai et, par sympathie naturelle, je l’interrogeai sur ses occupations près de ce lieu de tristesse.

— Monsieur, me répondit-il, je passe mon temps là, tranquillement, à entretenir les tombes que quelques âmes charitables ont bien voulu me confier, et je ne suis guère dérangé que par l’entrée des convois funèbres qui arrivent de temps à autre.

— Vos clients ? Hasardai-je.

Le vieux sourit tristement, et comme je le pressai, il me confia qu’il occupait ses loisirs à élever des lapins et son grand bras étendu fauchant vers le cimetière, m’indiquait que le trèfle et la luzerne ne manquaient point parla. Ainsi donc, pensai-je en m’en allant, voici un vrai sage, vieillissant avec sérénité, ayant pour témoins de ses peines et pour seuls confidents, ces marbres étalant leur lividité à perte de vue, et, qui pense, sans nul doute, que tout est pour le mieux dans la meilleure des nécropoles.

Et j’eus alors l’envie folle de revenir, de lui confier comme un dépôt sacré, une tombe, dans un coin, à l’ombre d’un grand cyprès, ornée de plantes toujours vertes et où je pourrais enfin, voyageur arrivé au terme de la vie, étendre mes membres harassés et m’endormir dans l’éternité.

SlMBAD

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20 Aout 1955 EL HALLIA le massacre

Posté par lesamisdegg le 20 août 2015

 

EL HALIA  le massacre 20 aout 1955  JF GALEA

EL-HALIA le massacre -20 aout 1955 - JF GALEA

Zirout Youssef, responsable FLN du Nord Constantinois, décide de lancer, le 20 août à midi, une attaque  , « l’offensive généralisée » -comme disent les fells ou leurs kapos - contre 40 localités, afin de venir en aide aux rebelles de l’Aurès qui sont aux prises avec les paras de Ducournau. Il dispose d’à peine 200 hommes armés qui devront soulever la population, laquelle ne s’engage pas dans la révolution. 12 000 musulmans sont mobilisés. Les objectifs de Zirout sont de récupérer de l’armement, de massacrer les européens l, les français-musulmans loyalistes ,    ainsi que des notables musulmans modérés signataires d’un appel condamnant « toute violence d’où qu’elle vienne ».  et de provoquer des représailles irréparables. Ses propagandistes affirment que l’armée de Nasser et les Américains soutiennent ce soulèvement raciste. Dans la plupart des localités, les djounoud restent en retrait et poussent en avant les femmes et les enfants.  Il s’agissait pour le FLN de semer la terreur, d’impliquer les fellahs dans le terrorisme. . Youcef Zighout  est éliminé dans une embuscade  en septembre 1956.

 

L’action la plus importante vise Philippeville, ville de 70.000 habitants, où des masses de civils, manifestement drogués, avancent dans les rues sans se soucier de lourdes pertes. L’armée et la police sont en effet alertées et bloquent brutalement les manifestants. En revanche, la mine d’El Halia et le village d’Ain Abid ne sont pas protégés, et les Européens y subissent d’horribles atrocités [1]. Le bilan, minutieusement vérifié, est de 133 Français d’Algérie [2], 53 militaires et policiers, et 36 Français-musulmans dont le neveu de Ferhat Abbas. La répression militaire aurait fait 700 morts le 20 août, et les vengeances de civils plus de 2000 tués les jours suivants (et non les 12000 revendiqués par le FLN).

Les conséquences de ce soulèvement sont tragiques : « C’est la guerre, il faut la faire », déclare le gouverneur Soustelle, qui abandonne l’idée d’une politique libérale [3].  La fracture entre les communautés s’aggrave, elle donne naissance au contre-terrorisme de certains Européens [4] .Sans être exactement une répétition des massacres du 8 mai 1945, ces violences préfigurent celles de la guerre civile des années 1990.

Notes [1] On peut citer 21 enfants dont les têtes sont écrasées contre les murs, et le témoignage de ce rebelle, qui après avoir égorgé une femme, mange le poisson qu’elle avait préparé. [2] Roger Vétillard publie les noms de 51 victimes européennes. [3] Cette déclaration dément la légende de ceux qui prétendent qu’on a attendu la loi de 1999 pour reconnaître la réalité de la guerre d’Algérie. Un Comité de guerre interministériel s’est réuni à Constantine en juillet 1957. [4] Le terrorisme FLN a précédé le contre-terrorisme. Il n’a pas attendu l’attentat de la rue de Thèbes en août 1956 pour utiliser les explosifs. 

Roger Vétillard. 20 août 1955 dans le nord-constantinois. Un tournant dans la guerre d’Algérie. Préface de Guy Pervillé. Ed. Riveneuve, 2012, 351 pages, 20 euros. Originaire de Sétif, le docteur Vétillard, après avoir renouvelé l’histoire du 8 mai 1945, a fait une étude très approfondie sur les massacres du 20 août 1955, à partir de documents inédits de la ville de Philippeville, des archives de la gendarmerie et de l’armée, et des témoignages de 53 Français et 11 Algériens, dont 5 anciens de l’ALN.  Cet ouvrage montre que des travaux rigoureux peuvent réviser des idées reçues.

 

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