chant pour OUHARAN
Posté par lesamisdegg le 5 juillet 2017
Cruel de lumière et de vie,
L’astre de nos jours
S’arrête surpris,
Car on fauche le blé de Numidie.
Une clameur atroce
En Ouharan s’élève,
L’humaniste enfant de Mondovi
Nous l’avait prédit,
La Peste est arrivée.
Jusqu’à cinq heures en Ouharan,
Ivre de sang et d’instinct
Le renard chrysoprose hurle à la colombe,
De son clavier aigu
Son chant mortel.
Jusqu’à cinq heures en Ouharan
Le simoun dans les oliviers
Roule les rameaux dans le sable,
Et emporte dans les pins
Les promesses des parjures.
Jusqu’à cinq heures en Ouharan
L’air apporte aux sirènes hideuses
Le chant du rossignol de nos veines,
Et le hennissement de la cavale blanche
Qui répand la liqueur de vie.
Jusqu’à cinq heures en Ouharan,
Des coquelicots naissent
Dans la poussière d’or,
Lorsque des enfants meurent
Là où des mères pleurent.
Jusqu’à cinq heures en Ouharan,
La sueur de neige inconnue
S’empare du peuple naïf,
Trop surpris
Qui tue dans les artères de l’âme.
Jusqu’à cinq heures en Ouharan,
Sous le regard de Notre Dame de Santa-Cruz
Par ses pasteurs abandonnés,
L’humain troupeau agonise
et perd, un instant, sa confiance en l’avenir.
Jusqu’à cinq heures en Ouharan,
La blessure brûle comme un soleil,
Déjà la gangrène arrive au loin,
Et le vent, qui soulève les suaires absents,
Porte enfin, au Monde la détresse du Peuple .
Alors à cinq heures précises à Ouharan
S’identifiant au Christ Martyr
Le peuple écoute respirer la mer apaisée,
Et un chœur de voix secrètes crier aux cieux
Barka ! Basta ! Assez !
Oui à cinq heures précises en Ouharan,
Assez de désillusions pour perdre le paradis de Dieu,
Assez de morts pour oublier Ouharan,
Assez d’horreurs pour gagner le ciel de l’Homme,
Assez de sang pour redonner la Vie.
Ouharan, personne ne te connaît,
Car ils croient que tu es morte à jamais
Comme tous les morts de la Terre,
Etouffée sous le sang, étouffée sous la peur
Sans vie, sans fierté, sans honneur.
Ouharan, personne ne te connaît,
Nos enfants perdent ton souvenir,
Et la nature voudrait t’oublier,
Mais les défis de l’Homme Sont trop proches des cieux.
Ouharan, personne ne te connaît
Mais je chante pour toi les murs trop blancs,
Mais je chante pour toi la peine trop noire,
Mais je chante pour toi la tourmaline et la malachite,
Mais je chante pour toi le saphir et la turquoise…
Car le chant de l’Homme jamais ne s’arrête
Et porte au monde, ma Patrie perdue,
Cette lumière aveugle de vie,
Le cri d’espoir de la liberté exilée
Ouharan ! Ouharan ! Ouharan !
SOL 1968 07 05
Publié dans ARTS et LETTRES, DISPARUS, HISTOIRE, LIEUX, MEMOIRE, TERRORISME | 1 Commentaire »