GALOUFA

Posté par lesamisdegg le 8 mai 2016

Durant la première moitié du vingtième siècle , dans toute l’Algérie française , sévissait un « capteur de chiens » surnommé le « galoufa ».

Albert CAMUS en fait une superbe description dans « le premier homme ».

 

Ce fonctionnaire municipal opérait à peu près à la même heure, mais, selon les nécessités, il faisait aussi des tournées d’après-midi.

C’était un arabe habillé à l’européenne, qui se tenait ordinairement à l’arrière d’un étrange véhicule attelé de deux chevaux, conduit par un vieil arabe impassible. Le corps de la voiture était constitué par une sorte de cube de bois, sur la longueur duquel on avait ménagé, de chaque côté, une double rangée de cages aux solides barreaux. L’ensemble offrait seize cages, dont chacune pouvait contenir un chien, qui se trouvait alors coincé entre les barreaux et le fond de la cage. Juché sur un petit marchepied à l’arrière de la voiture, le capteur avait le nez à la hauteur du toit des cages et pouvait ainsi surveiller son terrain de chasse. La voiture roulait lentement à travers les rues mouillées qui commençaient à se peupler d’enfants en route vers l’école, de ménagères allant chercher leur pain ou leur lait, en peignoirs de pilou ornés de fleurs violentes, et de marchands arabes regagnant le marché, leurs petits éventaires plies sur l’épaule et tenant de l’autre main un énorme couffin de paille tressée qui contenait leurs marchandises.

Et tout d’un coup, sur un appel du capteur, le vieil arabe tirait les rênes en arrière et la voiture s’arrêtait. Le capteur avait avisé une de ses misérables proies, qui creusait fébrilement une poubelle, jetant régulièrement des regards affolés en arrière, ou bien encore trottant rapidement le long d’un mur avec cet air pressé et inquiet des chiens mal nourris. Galoufa saisissait alors sur le sommet de la voiture un nerf de bœuf terminé par une chaîne de fer qui coulissait par un anneau le long du manche. Il avançait du pas souple, rapide et silencieux du trappeur vers la bête, la rejoignait et, si elle ne portait pas le collier qui est la marque des fils de famille, courait vers lui avec une brusque et étonnante vélocité, et lui passait autour du cou son arme qui fonctionnait alors comme un lasso de fer et de cuir. La bête, étranglée d’un seul coup, se débattait follement en poussant des plaintes inarticulées. Mais l’homme la ramenait rapidement jusqu’à la voiture, ouvrait l’une des portes-barreaux et, soulevant le chien en l’étranglant de plus en plus, le jetait dans la cage en ayant soin de faire repasser le manche de son lasso à travers les barreaux. Le chien capturé, il redonnait du jeu à la chaîne de fer et libérait le cou du chien maintenant captif.

Du moins, les choses se passaient ainsi quand le chien ne recevait pas la protection des enfants du quartier. Car tous étaient ligués contre Galoufa. Ils savaient que les chiens capturés étaient menés à la fourrière municipale, gardés pendant trois jours, passés lesquels, si personne ne venait les réclamer, les bêtes étaient mises à mort.

Et quand ils ne l’auraient pas su, le pitoyable spectacle de la charrette de mort rentrant après une tournée fructueuse, chargée de malheureuses bêtes de tous les poils et de toutes les tailles, épouvantées derrière leurs barreaux et laissant derrière la voiture un sillage de gémissements et de hurlements à la mort, aurait suffi à les indigner. Aussi, dès que la voiture cellulaire apparaissait dans le quartier, les enfants se mettaient en alerte les uns les autres. Ils se répandaient eux-mêmes dans toutes les rues du quartier pour traquer les chiens à leur tour, mais afin de les chasser dans d’autres secteurs de la ville, loin du terrible lasso. Si, malgré ces précautions, comme il arriva plusieurs fois à Pierre et à Jacques, le capteur découvrait un chien errant en leur présence, la tactique était toujours la même. Jacques et Pierre, avant que le chasseur ait pu approcher suffisamment son gibier, se mettaient à hurler :

« Galoufa, Galoufa »

sur un mode si aigu et si terrible que le chien détalait de toute sa vitesse et se trouvait hors de portée en quelques secondes. A ce moment, il fallait que les deux enfants fissent eux-mêmes la preuve de leurs dons pour la course de vitesse, car le malheureux Galoufa, qui recevait une prime par chien capturé, fou de rage, les prenait en chasse en brandissant son nerf de bœuf. Les grandes personnes aidaient généralement leur fuite, soit en gênant Galoufa, soit en l’arrêtant tout droit et en le priant de s’occuper des chiens. Les travailleurs du quartier, tous chasseurs, aimaient les chiens ordinairement et n’avaient aucune considération pour ce curieux métier. Comme disait l’oncle Ernest : « Lui feignant ! » Au-dessus de toute cette agitation, le vieil arabe qui conduisait les chevaux régnait, silencieux, impassible, ou, si les discussions se prolongeaient, se mettait tranquillement à rouler une cigarette. Qu’ils aient capturé des chats ou délivré des chiens, les enfants se hâtaient ensuite, pèlerines au vent si c’était l’hiver, et faisant claquer leurs spartiates si c’était l’été, vers l’école et le travail. Un coup d’œil aux étalages de fruits en traversant le marché, et selon la saison des montagnes de nèfles, d’oranges et de mandarines, d’abricots, de pêches, de mandarines, de melons, de pastèques défilaient autour d’eux qui ne goûteraient, et en quantité limitée, que les moins chers d’entre eux.

 

L’origine de ce nom provenait de la première personne qui avait accepté cette fonction et qui se nommait réellement Galoufa

GALOUFA 1913 Drack-Oub

GALOUFA 1913
Drack-Oub

 

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Ascension à Santa-Cruz

Posté par lesamisdegg le 3 mai 2016

pélerinage à Santa-Cruz

pélerinage à Santa-Cruz

Alors qu’en 1849 le choléra ravageait la population d’Oran, le maréchal Pélissier aurait dit,  montrant les pentes du Murdjadjo, aux notables assemblés et effondrés :

« F…..- moi une Vierge, là-haut et vous verrez que l’épidémie cessera ! »

Les plaques commémoratives accrochées aux pilastres de l’autel de Santa-Cruz ne font pas mention de l’expression énergique du vieux soldat. Elles nous apprennent cependant que, durant l’épidémie de choléra de 1849 une modeste chapelle fut érigée par les soins de Mgr, Callot, premier évêque d’Oran, sur cet éperon de l’Aïdour. Un simple campanile exhaussait cette humble construction qui fut consacrée au culte de Notre-Dame du Salut par Mgr Pavy, évêque d’Alger.

En 1875, une tour surmontée d’une statue de Vierge remplaça le campanile. En 1899, Mgr. Cantel consacra, pour la deuxième fois, l’édifice que la ferveur populaire visitait déjà chaque année. Sous le même prélat, en 1905, Santa-Cruz fut entièrement détruite par un incendie, mais immédiatement reconstruite dans l’état même où nous la voyons aujourd’hui, en mai 1936.

La chapelle est facile à décrire. Bâtie sur une plateforme exiguë, au pied du fort de Santa-Cruz et à quelques trois cents mètres, à pic au-dessus du port, c’est une simple nef agrémentée vers la ville d’une petite terrasse et d’un clocher qui supporte la statue de la Madone. Aucune recherche architecturale n’a présidé à sa construction. Ce n’est pas une œuvre d’art, mais une œuvre de piété. Dans sa modestie, qui s’allie si bien à la condition du peuple qui la fréquente, elle semble plus pure, dépouillée: qu’elle est de tout ornement. Elle protège la ville .La population catholique d’Oran- espagnole pour une très grosse part- la vénère, tout autant que les Algérois Notre Dame d’Afrique, et les Marseillais Notre-Dame de la Garde.

Les murs, à l’intérieur de la chapelle sont recouverts d’exvotos de toute sorte. Car Santa-Cruz fait retrouver les objets perdus et l’affection d’un époux, conclure les mariages, sauver les enfants ou en donner aux femmes stériles, guérir les infirmités. Tout ce que l’on peut demander à une divinité supérieure, Notre-Dame du Salut l’accorde à ceux qu’elle touche de sa grâce. Et pour commémorer tous ces bienfaits, poupons dé biscuit rosé, voiles dé mariée, couronnes de fleurs d’orangers, cannes ou béquilles devenues inutiles, plaques de marbre gravées s’entassent dans la chapelle.

Le jour de l’Ascension, des files ininterrompues de pèlerins serpentent aux flancs de la montagne. De tous les points du département, français, espagnols, gitanos accourent autant par piété que pour suivre une tradition agréable. Certain de ces fidèles y viennent pour accomplir un vœu, les plus ardents font l’ascension pieds nus, ou encore, comme ces deux. associés dont les affaires s’étaient relevées grâce à l’appui de la Vierge, avec des haricots dans les souliers. Mais tandis que l’un d’eux s’arrêtait à chaque pas, jurant qu’il n’arriverait jamais au but, l’autre courrait et gambadait.

«  Ce n’est pas possible, lui dit le premier, tu n’as pas mis des haricots dans tes souliers?

Mais oui, répondit l’autre, seulement je les ai fait cuire. «

De nombreux excursionnistes s’installent dès le samedi soir, et couchent sur la terre dure, sur des couvertures, à la belle étoile ou à l’abri précaire d’une toile de tente. La nuit, de la ville, on voit les feux de leur campement scintiller autour de la chapelle. Aux premières lueurs du jour, la cloche tinte et les prêtres arrivent. Sans interruption, pendant toute la matinée sur un autel dressé en plein air, les messes succèdent aux messes, les fidèles aux fidèles. Des théories d’hommes, de femmes, d’enfants portant des couffins, des paniers à provisions, des bouteilles de bière, de vin, de limonade, montent et descendent. Tous les vendeurs de glace viennent offrir leur crème aux grimpeurs altérés.

Sur toute cette foule, que dominent les invocations de Lourdes,

« Seigneur nous vous adorons ! Seigneur, si vous le voulez, je serai guéri ! »

tourbillonnent, soulevés par le vent d’ouest, des nuages de poussière. Une violente odeur de cierges brûlés prend à la gorge les chanteurs extatiques d’« Ave Maria ». Des milliers et des milliers de bougies, de chandelles, se consument à l’intérieur ou à l’extérieur de la chapelle. La cire qui coule recouvre les rochers, les marches de l’église, les rend glissants et dangereux.

Pendant toute la journée, cette exaltation, cette atmosphère qui tient à la fois de la mystique de Lourdes et de la joie bruyante d’une kermesse règne sur la montagne. Et ce n’est que lorsque le soleil a fini de teinter de rose, de l’autre côté de la baie les falaises de Canastel, que les derniers promeneurs redescendent, harassés, pliant sur leurs genoux, les bras chargés de fleurs, de paniers et d’enfants, les sentiers qui les conduisent à la ville.

Santa-Cruz retrouve alors son calme et sa sérénité majestueuse.

Henri QUEYRAT.

 

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